Complicité de la France avec les dictateurs criminels en Afrique Centrale : Tchad, Cameroun

mardi 21 mai 2019, par Odile Tobner *

Dans les pays francophones d’Afrique occidentale, il semble que les aspirations citoyennes arrivent à se manifester, avec des fortunes diverses, dans la vie politique. Le Sénégal, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin, ont connu des épisodes variés, parfois prometteurs, parfois décevants, parfois victorieux, parfois écrasés, mais qui permettent un véritable espoir de progrès, sous l’impulsion de mouvements populaires.

L’Afrique centrale, en revanche, semble destinée à croupir indéfiniment sous la férule des dictatures françafricaines. Pour les citoyens du Tchad, de Centrafrique, du Gabon, du Congo-Brazza et surtout du Cameroun, c’est l’enfoncement dans la désespérance de situations figées dans le pire, verrouillées par la force, où aucune expression populaire n’arrive à se faire jour.

Le Tchad n’a connu depuis 1960 que l’occupation militaire française, soutenant telle ou telle faction selon des intérêts étrangers, mettant au pouvoir des chefs de bande criminels. L’actuel président Idriss Déby, arrivé au pouvoir dans l’ombre du sinistre Hissène Habré, ne lui cédant en rien en cruauté, régnant par la peur et la violence sur un peuple paralysé, secoué de révoltes sans lendemain, ne subsiste que grâce à la présence et au soutien militaires de la France qui le protègent de toute insurrection. Rappelons que la tentative de renversement de la dictature en 2008, qui échoua grâce au soutien logistique français, s’accompagna de rafles des principaux opposants qui n’y étaient pour rien, avec la disparition d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, sur le sort duquel sa famille et le peuple tchadien sont toujours dans une ignorance totale, alors que les militaires et les services français, omniprésents sur le terrain, savent parfaitement de quoi il retourne, mais gardent un silence honteusement complice. Début février 2019, l’incursion d’un mouvement d’opposition tchadien venant de Libye a été stoppée par les frappes directes de l’aviation française. L’actuel dispositif militaire français au Tchad, l’opération Barkhane, censé combattre le terrorisme islamiste, est intervenu contre les opposants politiques à Déby et a donc imposé aux Tchadiens la pérennité d’un pouvoir honni. Les accords de défense franco-tchadiens invoqués pour justifier cette intervention ne sauraient servir à régler les problèmes de Déby avec ses opposants tchadiens. En France, cette intervention abusive n’a pas fait de vagues, comme on devrait pourtant s’y attendre dans un pays tant soit peu démocratique, sourcilleux sur l’emploi de la force armée financée par les contribuables.

La politique de la France au Cameroun n’est pas moins scandaleuse. Le pays vit sous la même dictature depuis 1960, quand l’armée française faisait une guerre sanglante aux nationalistes de l’Union des populations du Cameroun, pour imposer à la tête du pays « indépendant » l’homme de Paris, c’est-à-dire celui de Foccart, Ahmadou Ahidjo. Paul Biya, secrétaire de la présidence et premier ministre sous Ahidjo lui succéda, sous le même parrainage, par une révolution de palais, en 1982. Depuis, il règne sans partage sur un Cameroun champion mondial de la corruption, où une petite minorité clanique accumule des fortunes astronomiques, tandis que la quasi-totalité de la population végète dans la pauvreté. Sur ce terreau, les multinationales françaises, Total et surtout Bolloré, prospèrent à plaisir dans ce qu’elles tiennent à faire passer pour le meilleur des mondes.

Les éruptions de révoltes populaires sont noyées dans le sang et dérobées à l’opinion française par le silence complice des médias de masse. Mais, depuis quelques années, le tyran octogénaire peine à maintenir le couvercle sur ce qui se passe au Cameroun. Dans le nord du pays, les troubles attribués à Boko Haram, groupe terroriste né au Nigeria qui essaime dans les pays du bassin du lac Tchad, fabuleux piège à pétrole, sont réprimés avec une violence innommable. Mais surtout, un mouvement de revendication latent dans l’ouest du pays, dans la partie anglophone rattachée en 1961 au Cameroun francophone, s’est élevé contre les abus de la dictature. Cette fois, l’habituelle répression violente des manifestations pacifiques n’a pas suffi à enterrer le mouvement, qui s’est radicalisé en résistance armée. Une guerre civile atroce flambe à présent dans le NOSO (provinces du Sud-Ouest et du Nord-Ouest). Des centaines de villages ont été réduits en cendres par les forces spéciales du pouvoir, Garde présidentielle et Bataillon d’intervention rapide, véritables milices tribales du président, commandées par un ancien général de l’armée israélienne. Comme dans le Nord, ces soudards se livrent aux pires crimes contre l’humanité, torture, exécutions sommaires de civils, femmes et enfants, dont chacun devrait envoyer Biya et les chefs militaires devant la CPI. Des dizaines de milliers d’habitants ont déserté ces régions, fuyant l’horreur.

Biya a été reconduit au pouvoir en octobre 2018 par l’habituelle parodie électorale. Son principal opposant, Maurice Kamto a contesté cette élection éminemment contestable et tenté de manifester. Il est sous les verrous depuis le 26 janvier avec plusieurs centaines de ses partisans. L’accumulation des atrocités et des atteintes aux droits de l’homme a contraint l’ONU, les États-Unis, et même l’Union européenne à émettre des protestations, tandis que cette tragédie, qui devrait retenir l’attention des Français du fait du soutien aussi honteux qu’indéfectible, réaffirmé par Emmanuel Macron, au despote sanguinaire et sénile de Yaoundé, est couverte en France par le silence des médias de masse.

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